Vous savez, c’est marrant parce qu’avec mon frère, on a passé notre enfance à essayer de faire des films. Donc forcément, on faisait tout nous-mêmes, car on ne pouvait pas faire autrement. C’était une nécessité… Et maintenant que cela devient une activité professionnelle, je ne peux pas m’empêcher de rester dans le même état d’esprit. Bien sûr, en travaillant sur Stupid Things, je me suis entouré de collaborateurs très compétents et créatifs, et je dois d’ailleurs préciser que j'ai travaillé avec deux excellents monteurs, Dominic LePerriere et Michael Carter. Mais avoir une vision claire de ce que l’on veut vous permet de passer facilement de l’écriture à la musique, ou de la réalisation au montage. Tout cela est étroitement lié… et je crois que c’est ce qui fait la beauté d’un film.
C’était une évidence. C’est là que l’histoire prend sa source. J’ai toujours été confronté à la présence des gangs à Little Rock, la ville où j’ai grandi. Quand j’allais à l’école, j’étais souvent amené à les côtoyer, et ça se passait bien. On a toujours en tête ces images des gros gangs avec des ramifications partout qui n’existeraient que dans les grandes villes… Mais on en a une version différente dans l’Arkansas.
Les deux. Je voulais qu’on puisse s’identifier à Dayveon dans son initiation dans le gang, ou plus généralement, dans sa manière de s’intégrer dans un groupe. Quand on est jeune, la recherche de sa propre identité est quelque chose qui peut être vécu très intensément, et souvent les groupes, les bandes ou les gangs sont les endroits où votre personnalité se construit. Donc je voulais d’un côté, donner à voir ce qu’est réellement la vie d’un membre de gang du point de vue d’un jeune garçon comme Dayveon, mais j’avais aussi le désir d’explorer la notion d’appartenance, de raconter ce que c’est que ce besoin d’affiliation à un groupe, qu’on a tous plus ou moins ressenti étant jeunes.
C’est vrai. Mes recherches ont commencé lorsque je travaillais comme caméraman et monteur pour un documentaire sur les gangs à Chicago. Lorsqu’on ne tournait pas, j’allais parler aux jeunes du coin, et ça m’inspirait pour les personnages et l’histoire que je voulais construire. Quand je suis rentré en Arkansas, j’ai organisé tous les jours des ateliers avec des membres des gangs pour travailler mon script. Ils me disaient sans détour ce qui correspondait à leur réalité et ce qui ne collait pas. Le script est en grande partie fondé sur leurs expériences et leurs trajectoires personnelles.
« C’EST DANS L’ARKANSAS QUE L’HISTOIRE PREND SA SOURCE. C’ÉTAIT UNE ÉVIDENCE DE TOURNER LÀ-BAS»
Je savais dès le départ que je ne voulais pas d’acteurs professionnels. Alors j’ai appelé John Williams et Karmen Leech, deux amis directeurs de casting. Ils sont venus à Little Rock plusieurs fois et on a commencé à frapper aux portes, à aller parler aux gens dans les restaurants… On avait vraiment une approche quantitative : on voulait voir le maximum de personnes. Ce processus a duré plusieurs mois et il a été difficile de trouver Devin Blackmon, l’interprète de Dayveon. Lorsqu’on l’a vu, nous avons tout de suite su qu’il avait ce qu’il fallait pour porter le film sur ses épaules. Pour Lachion Buckingham, qui joue le personnage de Mook, c’est encore une autre histoire : au début, il m’aidait à organiser mes ateliers avec de jeunes membres des gangs. À cette époque, il devait simplement m’aider à produire le film. Puis, à mesure que les ateliers se succédaient et que les personnages de Stupid Things se construisaient, il a été de plus en plus impliqué. Il s’est véritablement transformé pour incarner Mook. Une fois tous les interprètes du film choisis, nous avons répété une à deux heures tous les jours durant quatre mois. Parfois ça ressemblait beaucoup à du théâtre, mais c’était un passage obligé car lors du tournage, le processus créatif est très fragmenté, et les acteurs doivent tout de suite être capables de se projeter pour restituer l’émotion de la scène.
Souvent, dans mes phases d’écriture ou de réflexion, je me pose au piano et je laisse mes doigts se balader sur les touches. Parfois, il arrive que mes pensées et la mélodie soient en symbiose… Lorsque ça arrive, je le sais tout de suite. C’est quelque chose d’incontestable. Je ne sais pas comment l’exprimer, mais je peux le sentir. C’est de l’ordre de l’évidence. C’est comme ça qu’est né la B. O. de Stupid Things, au fil de l’écriture du script… De temps en temps, la musique aidait l’histoire à se construire, et d’autres fois c’est l’histoire qui engendrait la mélodie. Je crois qu’un film doit se construire selon ce paradigme : il faut le penser comme un tout. Pendant les répétitions, je jouais au casting la mélodie du film, et je pense que ça nous aidait à tous être ancrés dans une même réalité : celle de Stupid Things. Ce qui est intéressant à noter, c’est que durant le processus de production, j’ai joué certaines mélodies à mon directeur photo que je n’ai au final pas utilisées dans le film. Comme si le fait de soustraire la musique à certains endroits créait le rythme des plans et du montage.
Tout à fait. Sans en dire trop, cela aura à voir avec la notion d’identité.